[ La Phénicie hellénisée et romaine ] [ sommaire ]
Si les échanges avec la Grèce ne cessent de se multiplier au cours de la période perse, c'est avec la conquête d'Alexandre, en 333 av. J.-C., que la Phénicie devient une province du monde hellénistique et ce, jusqu'à l'annexion par Pompée en 64 av. J.-C. La Phénicie subit d'importantes transformations au cours de cette période. Dès la première moitié du IIIe siècle av. J.-C., le passage des cités-royaumes phéniciennes en cités grecques est achevé.
L'hellénisation des notables, qui adoptent la langue et portent des noms grecs, est remarquable. Ainsi, une stèle funéraire peinte, récemment découverte, révèle l'image d'une Sidonienne, dénommée Robia.
Elle se traduit également par la participation d'habitants de Tyr et de Sidon aux grands concours panhelléniques tels ceux de Delphes et d'Olympie. À Némée, vers 200, un Sidonien, Diotimos, remporte une course de chars.
Les villes phéniciennes fournissent à la science et à la littérature grecques quelques uns de leurs plus brillants représentants : Antipater de Sidon, Apollonios de Tyr...
Le grec n'était pas seul parlé et écrit en Phénicie. Les légendes des monnaies de Beyrouth sont en grec et en phénicien. Les fouilles du centre-ville ont permis la découverte d'une inscription phénicienne, gravée sur un vase en marbre, dont le texte est une dédicace à Astarté. Il indique l'existence à Beyrouth, à l'époque hellénistique, d'un sanctuaire dédié à la déesse principale de la ville.
Il semblerait cependant que la diffusion de l'hellénisme se soit limitée aux villes. Ainsi, à 15 km de Tyr, les inscriptions découvertes sur le site d'Oumm al-'Amed sont en phénicien. La stèle funéraire de Baalshamar " chef des portiers " est présente dans l'exposition au côté d'une dédicace à Milk'ashtart, le grand dieu local.
Les marchands phéniciens continuent de parcourir la Méditerranée pour vendre et acheter. On retrouve des Phéniciens dans tous les ports importants comme à Rhodes, au Pirée et surtout à Délos. Les fouilles d'un quartier d'habitation hellénistique du centre-ville de Beyrouth ont livré de nombreux bols en céramique, à décor moulé en relief, qui sont probablement des importations de cette dernière cité.
De même, fidèles à la tradition ornementale grecque du IIe siècle av. J.-C., dont de beaux témoignanges proviennent de Délos, les intérieurs des maisons de Beyrouth étaient souvent décorés de peintures murales. Les vestiges abondants permettent notamment de restituer des décors architectoniques.
L'influence de l'Egée est également très présente dans d'autres ¦uvres découvertes à Beyrouth : figurine de Tanagra, statuette représentant Aphrodite... mais il est difficile de trancher entre atelier local ou importations.
Lors de son intégration, en 64 av. J.-C., dans l'empire romain, la Phénicie est administrée depuis Antioche. En 194 ap. J.-C., Septime Sévère réorganise l'empire et crée une nouvelle province : la Syrie-Phénicie dont Tyr est la capitale. L'un des plus beaux portraits de cet empereur découvert au cours des fouilles menées dans la cité, figure dans l'exposition.
Une partie des installations urbaines de la Tyr impériale sont encore visibles aujourd'hui : aqueduc, rues à portiques, thermes, boutiques, sanctuaires et le cirque, le plus grand actuellement connu de tout le monde antique.
De l'une des nécropoles de la cité provient probablement un panneau peint représentant, dans une riche polychromie, un personnage portant une hotte, spécialement restauré pour sa présentation à Paris.
Byblos doit le plus clair de son prestige au fait que le sanctuaire d'Adonis à Afqa se trouve situé sur son territoire.
Dans l'une des villas de la cité a été dégagée une mosaïque dont l'emblema illustre l'enlèvement de la belle Europe.
Beyrouth devient colonie romaine sous le nom de colonia Iulia Augusta Felix Berytus. Elle se présente alors comme un ilôt de latinité dans un monde grec et sémitique. Le cadre monumental de la cité rappelle celui des cités d'Occident. C'est alors que Béryte abrite une célèbre Ecole de Droit, reconnue pour dispenser la meilleure formation juridique de l'Empire à partir de la fin du IIIe siècle av. J.-C.
La recherche archéologique récente n'a pu la retrouver mais a cependant mis au jour des monument importants : basilique, forum, thermes, hippodrome... et permet de mieux comprendre l'urbanisme de la Béryte romaine avec son port, ses quartiers commerciaux et résidentiels et ses grands axes de circulation, le Cardo et le Decumanus.
Les villes de Phénicie sont également de grands centres de production artisanale qui profitent de l'immensité du marché que leur est offert. Béryte, Sidon et Tyr comptent parmi les villes les plus actives de Méditerranée orientale. Les artisans travaillent la pourpre, le textile, le verre...
Les auteurs classiques (Strabon et Pline l'Ancien) ont conservé l'image des verriers de Sidon dont les fragiles créations étaient réputées dans l'ensemble du monde antique. Leur nom est encore aujourd'hui gravé dans cette matière noble et translucide : Artas, Ennion, Ariston... qui diffusèrent la technique du verre soufflé, née sur les côtes du Levant vers le milieu du Ier siècle av. J.-C.
Le Liban se couvre alors de nombreux temples ruraux au nombre desquels figure le sanctuaire de Niha dans la Beqaa dont les ruines se dressent encore aujourd'hui. Un exceptionnelle maquette de l'adyton du temple, illustrant le travail des architectes de l'Antiquité, est présentée dans l'exposition.
Mais le plus prestigieux des sanctuaires de la Phénicie libanaise est incontestablement celui d'Héliopolis-Baalbek. On en ignore l'origine mais il existe sans doute bien avant la conquête macédonienne. C'est à l'époque d'Auguste que semblent avoir commencé les travaux cyclopéens d'aménagement du monument dont on peut voir les ruines impressionnantes aujourd'hui.
Le sanctuaire de Jupiter Héliopolitain, reposant sur un podium construit avec des blocs gigantesques dont certains pèsent 750 tonnes, est l'un des temples les plus spectaculaires de toute la Syrie romaine. Il était entouré de 54 colonnes hautes de vingt mètres dont six, encore debout, donnent la mesure de l'ensemble.
D'autres temples sont alors édifiés tel celui dit de Bacchus dont le décor sculpté mêle raffinement et surcharge ornementale. Ce style " baroque " est également sensible dans un superbe chapiteau de Bostan el-Khan décoré d'une tête bacchique qui figure parmi les oeuvres présentées.
La popularité du culte du Jupiter Héliopolitain justifie sans aucun doute de tels efforts. En effet, le baal indigène, un Hadad, maître de la foudre et de la pluie, dont l'image traditionnelle est fournie par plusieurs statuettes, était assimilé à Jupiter. Ainsi, le célèbre " bronze Sursock " du musée du Louvre, montre le dieu emmailloté dans une robe-gaine très serrée et coiffé d'un haut chapeau évasé vers le haut (le polos). Son culte se répand rapidement chez les soldats romains qui en font, avec Jupiter Dolichenus et Mithra, l'un de leurs dieux favoris.
Dans la Beqaa, Héliopolis demeure l'un des bastions du paganisme jusqu'au VIe siècle ap. J.-C. face au christianisme dont l'implantation sur la côte est fort ancienne.
Du règne de Constantin à celui de Théodose, le IVe siècle ap. J.-C. fait entrer l'Orient romain dans une nouvelle période historique, celle de la domination byzantine qui se perpétue en Phénicie jusqu'à la conquête musulmane. Le christianisme conquiert alors une position officielle et exclusive.
De région périphérique du monde romain, la Phénicie se retrouve au c¦ur de l'Empire chrétien d'Orient. Proche des lieux saints de Palestine mais encore d'Antioche et d'Alexandrie, les deux centres de réflexion christologique et d'exégèse, elle occupe une position privilégiée au carrefour des idées religieuses et sur la route des pélerinages.
La Phénicie byzantine comporte deux provinces où se répartit inégalement l'actuel territoire libanais : la Phénicie maritime dont Tyr est la capitale et la métropole religieuse et, d'autre part, la Phénicie libanaise qui concerne surtout l'espace syrien et doit son nom au Mont Liban qui se trouve sur son territoire.
Nous apprenons par Eusèbe de Césarée que l'évêque Paulin fait élever, à Tyr, dès le début du IVe siècle, une vaste basilique, sans doute la première église cathédrale consacrée après 313.
Des vestiges paléochrétiens dont quelques éléments du décor architectural sont présentés dans l'exposition, ont été récemment mis au jour à Tyr. Ils sont postérieurs à l'édifice de Paulin mais confirment la position de la cité comme métropole ecclésiastique où durent s'élaborer très tôt les modèles architecturaux et liturgiques qui ont déterminé aux Ve-VIIe siècles la profusion d'églises à plan basilical dont la construction est attestée au sud de Béryte.
De Beyrouth même provient une plaque de chancel en marbre d'où se dégage en ronde-bosse une figure de bouquetin. La qualité plastique de l'¦uvre suggère une provenance prestigieuse, peut-être la cathédrale de l'Anastasis.
Ernest Renan, lors de sa Mission de Phénicie en 1861, dégagea à Qabr Hirom, dans les environs de Tyr, une église dédiée à Saint Christophe. L'église, dans son ensemble, sauf l'abside, était ornée d'un pavement de mosaïque daté de la fin du VIe siècle particulièrement bien conservé. Ce " tapis " est l'un des plus soignés et des plus cohérents connus dans la région libanaise. Le choix des thèmes figurés le rattache à une série bien fournie de mosaïques de Phénicie, de Palestine et de Transjordanie sur lesquelles des scènes de la vie domestique, de chasse, des travaux des champs figurent à côté de représentations des mois, des saisons.
Cet ensemble conservé aujourd'hui au musée du Louvre est en cours de restauration. Un panneau récemment traité permet d'apprécier cet aspect des productions artistiques qui illustre le mieux la période byzantine.
Le visiteur peut également méditer le texte inscrit dans la tabula ansata d'une mosaïque récemment découverte dans une maison byzantine du centre-ville de Beyrouth : " L'envie est le plus grand mal ; elle possède cependant quelque beauté car elle ronge les yeux et le c¦ur des envieux ". Cette demeure est implantée dans le quartier du marché byzantin nouvellement dégagé.
Enfin, un trésor d'orfèvrerie constitué de bracelets, de boucles d'oreilles et de pendentifs incrustés de pierres semi-précieuses témoigne des arts de luxe et de la richesse de la Béryte byzantine.
Partout se laisse cependant deviner le petit peuple actif et prospère de tous les métiers. De nombreuses inscriptions de la nécropole de Tyr, de haute époque byzantine, font revivre les métiers de la pourpre, grande spécialité de la métropole, tel le nom de Zoïle, fils d'Ammonios, pêcheur de murex, ce coquillage dont une glande sécrète la précieuse substance tinctoriale.
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